SON
en jeu: polymodalité-modes complémentaires / subsets tonals disjoints / emprunts / chiffrages hybrides / permutations
SON emprunte ‘texto’ deux séries de 17 accords utilisés par OM dans le cinquième des ‘20 REGARDS SUR L’ENFANT-JÉSUS’ (‘REGARD DU FILS SUR LE FILS’ )
c’est une des premières pièces de MESSIAEN que j’ai entendue, elle a déclenché une émotion très forte, elle condense tout ce que j’aime dans sa musique
-le rapport distancié entre mélodie et harmonie : une mélodie souveraine ( ici un chant d’oiseau ) posée sur un harmonie complexe mais tranquille et imperturbable
-les rapports rythmiques : le foisonnement complexe du canon par ajout du point sur un tempo lent
-la simultanéité modale-tonale : les ambiguîtés et les micro climats mouvants
-la perméabilité de la tonalité : le F# majeur lumineux (le ‘THÈME DE DIEU’ ) orné d’un double relief en guirlandes modales
-la polymodalité sereine : la lisibilité des registres et l’indépendance des flux
-l’étirement du temps : l’immuabilité et la grâce d’un lent fleuve tranquille
-la lévitation : une suspension, un rêve éveillé
3 déroulement harmoniques simultanés traversent le morceau, comme des succession de cellules / je propose ici pour les séries modales ( portée supérieure et portée médiane ) une lecture subjective chiffrée qui décrit les contours tonals explicites
1 ) portée supérieure : une série de 17 triades ( subsets de DM6 )
une première cellule : triade de F# encadrée par deux couleurs apparentées triton (C2)
une deuxième cellule ascendante lui répond :
répétitions des 2 cellules, mais la deuxième en version augmentée :
et une “résolution”: C#m et deux accords hybrides en quartes, en relation de triton
2 ) portée du milieu : une série de 17 accords à 4 sons ( subsets de EbM4 )
première cellule : 2 voicings d’un même subset ( 2 quartes tritons )
deuxième cellule : 2 couleurs ‘augmentées’ en relation de triton
troisème cellule : B13(no5) et Eadd#4
répétition des 3 cellules ( même principe que la portée supérieure )
quatrième cellule : 5 accords, qui donnent l’illusion d’ une cadence : (Dm6 / première cellule / Bmajb5 / accord hybride en quartes)
3) portée inférieure : un thème d’accords en 3 parties distinctes / MESSIAEN le nomme ‘THÈME DE DIEU’, joué ‘piano, lumineux et solennel’ / ce thème traverse toute l’oeuvre sous différentes déclinaisons, et ici, dans le cinquième REGARD, c’est le fil rouge autour duquel s’articule le contrepoint polymodal
L’analyse indique les modalités et met en relief les caractéristiques tonales des accords
OM explique : ‘toute la pièce est établie sur le ‘THÊME DE DIEU’ , phrase complète en F# majeur’
les 5 accords principaux du thème
exemple frappant de la perméabilité de la tonalité majeure : F# s’accompagne ici d’un accord de C13 et d’une triade majeure de Eb / le thème met en évidence l’identité du mode 2 et la division de l’octave en 4 ( F#, (A), C, Eb )
dans son explication, OM inscrit la notion de tonique, dominante et de sous-dominante dans un espace modal : ainsi F#M2 ( =CM2 ) est tonique, C#M2 ( = GM2 ) est dominante et BM2 ( = DM2 ) est sous-dominante
THÈME DE DIEU ( 1ère et 2ème période )
tronc commun de 31 accords, seuls les 6 derniers accords diffèrent
on notera la présence de couleurs typiques du mode 2 ( les triades majeures, les accords 7b5, 7b9, #11, 13, min maj7 b5 ) et un des accords de prédilection de MESSIAEN, le majeur 6.
THÈME DE DIEU ( 3ème période )
les accords du thème sont étirés, le contrepoint polymodal semble flotter sur un long fleuve tranquille: la portée supérieure ( DM6 ) déroule une pédale rythmique de 17 valeurs et la portée médiane ( EbM4 ) reprend la même pédale mais en valeurs pointées / un chant d’oiseau ponctue le contrepoint polymodal / cette configuration est répétée trois fois dans la pièce ( OM note 3 ‘périodes’ ) , avec un léger glissement du ‘THÈME DE DIEU’ qui débute à différents endroits du binôme M6-M4, canon rythmique stable mais pas systématiquement achevé
analyse SON
forme:
open on A / cue to B / B played twice
solos : A 4x – B 2x or A 4x – B’ 2x
partie A :
-ligne de basse en 11 temps / le jeu pour la rythmique consiste à générer des variations rythmiques en permutant la cellule de 4 durées de manière organisée ou aléatoire ( 10 permutations possibles )
3224 / 3242 / 3422
2324 / 2342 / 2234 / 2243
4322 / 4232 / 4223
-les deux séries d’accords se suivent ou peuvent être superposées, organisation libre / ( nb: sur l’enregistrement de référence, chaque accord dure 3 temps, les 17 accords en EbM4 succèdent aux 17 accords en DM6, le dernier accord de EbM4 marquant le premier temps d’un nouveau cycle rythmique: 17×3 + 16×3 = 99 = 9 x 11/4 )
partie B : après la partie strictement modale (A), le B propose une lecture tonale des modes EbM4 et FM6 / les voicings écrits sont joués uniquement pendant l’exposé du thème, les accords chiffrés et/ou les modes servent de trame harmonique pour les solos / les accords chiffrés indiquent un ensemble précis : exemple G7b5 = G B Db F ( et non G A B C Db E F ) / les 2 lignes mélodiques ( composées avec GUILLAUME ORTI ) sont modales ( analyse verticale ), excepté quelques chromatismes (Eb) sur la ligne du haut qui trainent sur DM6
(nb: sur l’enregistrement de référence: 1er B : ligne du haut jouée par voix et saxophone, ligne du bas tacet / 2ème B : ligne du haut jouée par voix et piano, ligne du bas jouée par guitare et saxophone )
la partie B’ ( alternate version for solos ) propose une grille exclusivement basée sur des subsets tonals disjoints des modes EbM4 et FM6
la structure rythmique 3/4 – 2/4 – 2/4 – 4/4 est répétée 4x / les 2 modes s’alternent, et sont tous deux distillés en deux subsets tonals disjoints ( 4+4 ), les // indiquent les subsets disjoints en relation de triton, les couleurs indiquent les paires de subsets disjoints en relation de triton / pendant les solos, on peut privilégier un des deux subsets, ou les superposer ( l’ordre n’a pas d’importance )