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introduction

 

cette thèse présente un ensemble de systèmes mélodiques et harmoniques fonctionnels, directement inspirés des langages de MESSIAEN, pour une mise en pratique dans  l’improvisation et la composition ‘jazz’, avec des rapports étroits d’interdépendance entre l’écrit et l’improvisé / ces micro-systèmes sont développés en ‘circuit fermé’ ( les modes à transpositions limitées en huis-clos ) et en ‘circuit ouvert’ ( désenclavement des modes à transpositions limitées  ( MATL ) et observation de leur perméabilité lorsqu’il sont confrontés au système tonal et autres systèmes apparentés : signatures tonales, total chromatique,…) : l’idée est de proposer quelques pistes pour explorer les couleurs de MESSIAEN

Il s’agit d’un doctorat en recherche artistique : dans le processus je favorise l’intuition,  l’expérimentation, la reproductibilité des expériences, le jusqu’au-boutisme des idées et le ralentissement / la recherche est connectée en permanence à la réalité du terrain et les idées et outils proposés s’adressent à tous les musiciens improvisateurs/compositeurs curieux, et familiers avec les bases du système tonal majeur-mineur

Dans la musique de MESSIAEN, le champ d’action harmonique est défini par les modes à transpositions limitées et beaucoup d’autres couleurs d’accords ( accords à renversements transposés sur une même note de basse, accords à résonance contractée, accords tournants, etc… ) et, par leur perméabilité et les possibilités infinies d’assemblages et de superpositions, la musique agit et se développe suivant ses propres règles et techniques de variations. MESSIAEN dit  : “Je suis modal, tonal, sériel…tout ce qu’on voudra…en fait je suis coloré….et quand on entend ou croit entendre des séries, des tons ou même des accords parfaits dans ma musique, on a tort, ce sont des couleurs! Les modes sont des lieux colorés, des petits pays colorés”

ce sont ces petits pays colorés que j’ai eu envie d’explorer et d’intégrer dans la pratique de l’improvisation et de la composition

en circuit fermé : polymodalité, ambiguités tonales et modales, enchainements modaux générés selon différents critères ( notes communes, subsets tonaux disjoints, modalités éloignées, morphings,… ) : entre-soi et auto-suffisance

en circuit ouvert : comment ces petits pays colorés fonctionnent-ils si on élargit leur champ d’action à d’autres types de logiques ?

  • à la tonalité : les modes symétriques contiennent des subsets d’ accords référencés, et, floutés par les couleurs ‘étrangères’ qui les entourent, la ‘tonalité’ et la ‘modalité’  deviennent poreuses et perméables, elles accueillent des invités surprises…dans cet environnement de suggestions tonales et modales ambiguës, nouveaux points de vue sur les MATL et développement d’outils  explorant un ensemble large, souple et subjectif  de lois d’attractions  et de gravité entre les modes et quelques logiques du système tonal
  • au dodécaphonisme : le système sériel est exploré par union de MATL ( les modes complémentaires ) : cette méthode de simultanéité sculpte le total chromatique et le révèle par couleurs complémentaires
  • aux signatures tonales : idées pour composer sur base des recoupements entre les MATL et le système des signatures tonales imaginé par Malik Mezzadri

 

c’est donc principalement  l’univers harmonique de MESSIAEN qui est exploré ici :

  • pas d’allusion à la synesthésie ou la colorimétrie : ici il faut comprendre le mot ‘couleur’ dans son sens étymologique et symbolique le plus large, et non dans toutes ses déclinaisons vertigineuses telles que MESSIAEN les a répertoriées pour chacun de ses modes et chacune de leurs transpositions. Aussi, il ne sera pas fait allusion au concept de son-couleur : pour découvrir cet aspect essentiel de sa musique, lire le tome 7 du ‘TRAITÉ DE RYTHME, DE COULEUR ET D’ORNITHOLOGIE’  ( TRCO ) où il explique en détails les différentes couleurs des modes et de ses tableaux d’accords
  • ne sont pas évoqués ici non plus la richesse des palettes d’orchestration, des aspects formels et expressifs de sa musique, ses propres sources d’inspiration ( religion, plain chant, rythmiques grecque et indienne, etc… ), le répertoire vertigineux des chants d’oiseaux et de ses constructions mélodiques ( contours, formules, etc..), … aussi, le répertoire rythmique de MESSIAEN est un matériel pour la composition :  difficile en effet d’improviser ‘en mode’ rythme non rétrogradable, canon par ajout du point, talas ou personnages rythmiques, etc…  les incursions dans son dictionnaire rythmique sont donc  parcellaires ( quelques emprunts de talas et de principes d’augmentation et de diminutions pour certains de mes morceaux  )

 

ce que cette thèse n’est pas non plus :

  • une recherche musicologique: les quelques extraits de la musique de MESSIAEN présentés ici illustrent une mise en contexte des matières analysées
  • une méthode rigide pour initiés: au contraire, tous les exemples servent de guides, et parmi l’ensemble des possibles, le but est de proposer quelques pistes pour faire bourgeonner une idée et observer comment elle peut en générer d’autres
  • un répertoire d’exercices : les quelques exemples écrits servent surtout de nucleus

 

ce qu’elle est :

  • une liste de matières premières (malléables et adaptées à l’indétermination et aux jeux de hasard) : 

relecture analytique et mises en contexte des MATL, + d’autres couleurs d’accords utilisés par MESSIAEN

signatures tonales 

signatures modales 

intersections 

modes complémentaires (réguliers, irréguliers, M7)

 

  • un rassemblement d’idées :

elles sont analysées en fonction de leur potentiel de génération de matériel et de développement (associations inédites et agencements improbables)

elles sont des ‘détails dans le microscope’ :  le plus souvent rationnelles, elles  ne demandent qu’à être secouées, déliées, assouplies, et accueillent volontiers tous types d’interférences 

elles sont parfois extra-musicales

  • une boite à outils :

tableaux, recoupements, mises en contexte, programme MOLTexplorer , fichiers midi, enregistrements, demos,…

 

  • un état d’esprit :

il y a cette idée que lorsqu’on improvise il faut surtout pouvoir ‘entendre’ ce qu’on joue, qu’il ne faut jouer que ce que l’on entend, etc…j’aime bien aussi son exact inverse : jouer une musique qu’on n’entend pas en amont, et pour rentrer dans cette zone, il existe quelques outils pratiques pour utiliser les MATL et les mélanger aux ancrages tonaux, par exemple associer des modes à des accords ou des cadences en fonction du nombre de notes communes, etc…ces petites règles ( listées un peu partout, surtout dans le chapitre ‘MATL/système tonal/gravités’ et explorées dans ‘workout/demos’ ) sont rationnelles, mais génèrent une palette abstraite…En contexte, ca pourrait se passer comme ça :  injection de ‘micro-climats MATL’ dans une couleur tonale/modale ou une cadence / temps d’observation des cohabitations improbables : équilibre, déphasage ou tension…on y reste, on crédibilise, on adoucit, on résout, on appuie où ça fait mal, ou on s’enfuit…c’est un flux où les idées s’auto-génèrent et se répondent, toujours imprévisible… alors, si ça ‘fonctionne’ ou pas, c’est évidemment subjectif… personnellement j’ai appris à aimer cet état d’esprit, un mélange subtil de contraintes, de contrôle ( les petites règles), d’incertitude, d’illusion, et de lâcher-prise intuitif par rapport aux lois de l’attraction et de la gravité