convergences MATL – ST

le flutiste et compositeur MALIK MEZZADRI  a imaginé un système de distillation du système tonal majeur-mineur qui réduit les 3 modes  (majeur, mineur harmonique et mineur mélodique x 12 transpositions = 36 modes) à leur essentia : un nombre de notes minimum qui leur est unique ( une signature tonale = ST ), qu’on ne retrouve dans aucun des 35 autres modes / on obtient ainsi un nombre fini de 7 signatures tonales : une ST pour le mode majeur (M), trois ST pour le mode mineur harmonique ( h1, h2 et h3 ) et trois ST pour le mode mineur mélodique ( m1, m2 et m3 )

exemple en C :

MC : C E F G B

m1C : C Eb F A B

m2C : Eb F G A B

m3C : D Eb A B

h1C: C Eb Ab B

h2C: C G Ab B

h3C:D G Ab B

 

deux exemples pour comprendre le principe :

-l’ensemble  C E G B n’est pas une ST car il est commun à Cmaj et Gmaj / si on rajoute F, l’ensemble devient une ST : C E F G B ( MC ) est unique à C majeur/ on ne retrouve cet ensemble de 5 notes dans aucune autre transposition du mode majeur, ni dans aucune des 12 transpositions des modes mineurs harmonique et mélodique

-l’ensemble C Eb G B n’est pas une ST car il est commun à Cm harmonique et Em harmonique / si on remplace G par Ab, l’ensemble devient une ST : C Eb Ab B ( h1C ) est unique à Cm harmonique / on ne retrouve cet ensemble de 4 notes dans aucune autre transposition du mode mineur harmonique, ni dans aucune des 12 transpositions des modes majeur et mineur mélodique

pour l’explicatif complet, lire à la source cet essai de généralisation ST et cette note explicative MATL/ST

les ST sont en quelque sorte les huiles essentielles du système tonal majeur-mineur, mais en les isolant de leur contexte, les références initiales à la tonalité deviennent plus floues, les ST deviennent des entités indépendantes, des bulles de couleurs qui peuvent s’affranchir des règles tonales et circuler dans d’autres systèmes ( leur ADN les accompagnera : isolée, la ST MC n’échappera jamais vraiment à la gravité de C,  mais la ST m3C ( D Eb A B ) pourrait suggérer une couleur B7#9 par exemple, et h2c une couleur augmentée, etc… )

ensemble avec MALIK nous avons travaillé sur des principes d’interaction enre le ‘minimum tonal requis’ des ST et la symétrie des MATL afin de créer un terrain d’explorations harmoniques qui permet aux hiérarchies tonales de vibrer sereinement avec des approches plus conceptuelles, basées sur des systèmes de concordances, d’appartenances ou d’éxclusions / cette ‘banque de données’ rationnelle nous sert parfois de matériau pour composer

 

dans sa recherche d’épure tonale, Malik a réduit l’ensemble des MATL à  deux matrices : les modes 3 et 7, qu’il nomme les ‘deux familles’, car elles incluent  tous les autres MATL

la version ‘comprimée’ de ce terrain d’expérimentation ( d’après l’explicatif de MALIK dans ‘les ST dans les MATL’ )

les MATL sont définis par une famille, une note de référence et les ST qu’ils contiennent / les ST sont définies par un genre et une note de référence / il y a deux familles de MATL :

1-M3

2-M7

M3 contient quatre modes (quatre transpositions chromatiques) définis par quatre notes de références distinctes :

1- M3C

2- M3C#

3- M3D

4- M3Eb

M7 contient six modes :

1- M7C

2- M7C#

3- M7D

4- M7Eb

5- M7E

6- M7F

il y a sept genres de ST :

1- M

2- m1

3- m2

4- m3

5- h1

6- h2

7- h3

chaque genre de ST comporte douze ST définies par douze notes de références distinctes :

M : MC  MDb  MD  MEb  ME  MF  MF#  MG  MAb  MA  MBb  MB

( idem pour m1, m2, m3, h1, h2, h3 )

 

les ST contenues dans les modes 3 et 7

M3 / exemple en C ( CM3 ) :

MEb  MG  MB

m1Eb  m1G  m1B

m2Db m2Eb  m2F  m2G  m2A  m2B

m3Db  m3F  m3A

h1C  h1E  h1Ab

h1Eb  h1G  h1B

h2C  h2E  h2Ab

h2Eb  h2G  h2B

h3C  h3E  h3Ab

M7 / exemple en C ( CM7 ) :

MDb  MG

MD  MAb

m1C  m1Eb  m1F#  m1A

m1D  m1Ab

m2C  m2D  m2E  m2F#  m2Ab. m2Bb

m3C  m3Eb  m3F#  m3A

m3E  m3Bb

h1C  h1Eb  h1F#  h1A

h2C  h2F#

h2C#  h2G

h3C h3F#

h3C#  h3E  h3G  h3Bb

quelques curiosités : MC + MF# = FM4 / h2C + h2F# = CM4 / MC + ME + MAb = C#M3 / m3C + m3E + m3Ab  =  EbM3 / h1C+h1F# = DM2 / mC + mE = C# D Eb F# G A B =17ème mode/72 de la classe çaddha-madhyana (quarte juste) sur D: D Eb F# G A B C# = Dmaj b2 ) / h3C+h3E : C D Eb F# G Ab B  =15ème mode /72 de la classe çaddha-madhyana ( quarte juste ) sur G : G Ab B C D Eb F#  = Gmaj double harmonique b2 b6 ) / MC+MEb+MF#+MA = total chromatique / MC+ MEb+MF# = total chromatique minus A ) / MEb+MF#+MA = total chromatique minus C ) / MF#+MA+MC = total chromatique minus Eb ) / MA+MC+MEb = total chromatique minus F# /

ce programme développé par MALIK et FREDERIC FAURE permet de continuer l’exploration et de l’affiner en fonction des envies:

https://www-fourier.ujf-grenoble.fr/~faure/Modelisation_musicale/Malik_ST/index.html

MALIK et moi avons co-écrit 4 morceaux ( xp22, xp26, xp27 et xp28 ), l’envie d’explorer et d’expérimenter (xp) les symbioses des deux systèmes : les modes symétriques et les ST / confronter et connecter les systèmes, entre rationalité et mystère : exploiter les évidences ( les ressemblances, les points communs, les différences ) et les zones floues ( la fusion des systèmes et ses bonnes et mauvaises surprises ) et, à partir de ces constatations, inventer une série de règles du jeu pour faire cohabiter sereinement ces bouillons de culture

j’ai eu la chance de tourner quelques années avec son tentet, et j’étais fasciné par un de ses modes opératoires : sur la nappe du restaurant où on mangeait avant ou après les concerts, il griffonnait les nucleus des xps qui seraient répétés pendant le sound check pour être joués le soir-même( il nous a fait le même coup lorsqu’il était guest sur quelques concerts avec OCTURN ) : des gestes précis, rapides et spontanés, les fruits d’une confiance absolue en son système, de recoupements d’idées notées dans ses carnets, et de longues gestations en solitaire

 

quelques exemples d’ébauches :

xp29

 xp31 (composé dans le train entre BREST et PARIS, répété pendant le sound check au TRITON et joué le soir même…le souvenir est très précis car la trompettiste SANNE VAN HEK jouait avec nous ce soir-là, elle avait été sublime )

xp3

XP27

en jeu: MATL-ST / polymodalité

les premiers traits de xp27

j’ai travaillé à partir de ce nucleus / MALIK associe et alterne suivant leurs taleas associés ( 2522 et 533 ) 2 types de ST (M et m3)

deux structures constantes linéaires de ST m3 qui progressent par tons (m3A/m3B/m3C#/m3Eb/m3F/m3G et m3Ab/m3Bb/m3C/m3D/m3E/m3F#)  sont polarisées par 2 couples de ST Maj qui, regroupées, forment le mode M4

 

MA ( A C# D E G# ) + MEb ( Eb G Ab Bb D ) = DM4 ( D Eb E G Ab A Bb C# )

MC ( C E F G B ) + MF# ( F# A# B C# F ) = FM4 ( F F# G Bb B C Db E )

 

mais l’ambiguité de la mélodie de basse ( écrite en FM4 ) fausse les sensations de gravité : FM4 devient une deuxième couleur modale forte

modulant les rapports de vitesse, le batteur alternera lecture binaire et ternaire de la ligne de basse, mélodie qui servira dans un premier temps de continuum à partir duquel le bassiste pourra circuler librement dans les modalités

dans la vraie vie, ça a donné ça :

part 2

deux trames harmoniques superposées, et pour chacune d’entre elles, une mélodie ( composée par FABIAN FIORINI ) associée qui souligne subtilement les enchainements de ST

chords 1 + melody 1 :

chords 2 + melody 2 :

(la mélodie 2 est en ascension perpétuelle, retours d’octave au choix)

 

la trame du haut tourne sur 3 mesures, la trame du bas tourne sur 4 mesures, / la superposition des 2 cycles (marqués par des doubles barres dans le score) crée un effet de glissement sur 12 mesures, une musique bicéphale, avec des éclairages différents sur chaque passage (talea color)

plusieurs développements possibles au départ de ces matières superposées, la rythmique ( basse batterie ) passera d’une strate à l’autre pour changer la couleur de chaque passage / dans la vraie vie, ça a donné ça :

 

part 2 #1:

– solos sur la portée supérieure ( 4x ), basse et batterie soulignent les découpes

– solos sur la portée inférieure ( 3x ), basse et batterie soulignent les découpes

– développement mélodique sur 9 mesures: trame harmonique supérieure tout le long /

mesure 1 à 3  : mélodie supérieure, basse et batterie en soulignent les découpes /

mesure 4 à 9 :   mélodie inférieure rejoint, batterie souligne la découpe inférieure / fin sur premier temps de la mesure 10 : accord de MF#

part 2 #2:

– solos sur la portée supérieure ( 4x ), basse et batterie soulignent les découpes

– développement mélodique sur 9 mesures : trame harmonique supérieure tout le long, basse et batterie soulignent les découpes / fin sur premier temps de la mesure 10 : accord de MF#

pistes pour l’improvisation

Dans ce double champ harmonique, multiple et mouvant, voici quelques approches horizontales pour générer différents matériaux mélodiques :

couplage de ST m3

pour la portée supérieure, si on regroupe les ST m3 deux à deux, on obtient 3 plages distinctes, réduisant ainsi le nombre d’informations à traiter en tant que soliste

on peut aiguiser l’approche mélodique en choisissant pour chaque plage une des 5 couleurs modales possibles, chacune possédant une identité intervallique propre

le choix est exhaustif ( 125 combinaisons possibles ), mais on peut explorer cette idée et l’amener déjà très loin en choisissant un (ou deux ) enchainement(s) et en le(s) mettant en boucle

liste de tous les enchainements possibles, sans changements de nature de mode

 

– CM3+C# / CM3+F / CM3+A

– CM3+C# / CM3+F / DM3+G

– CM3+C# / DM3+E / CM3+A

– CM3+C# / DM3+E / DM3+G

– DM3+B / CM3+F / CM3+A

– DM3+B / CM3+F / DM3+G

– DM3+B / DM3+E / CM3+A

– DM3+B / DM3+E / DM3+G

– CM4+Bb / EM4+D / DM4+F#

– CM6+C# / CM6+Eb / DM6+A

– CM6+C# / CM6+Eb / EbM6+G

– CM6+C# / EM6+F / DM6+A

– CM6+C# / EM6+F / EbM6+G

– DM6+B / CM6+Eb / DM6+A

– DM6+B / CM6+Eb / EbM6+G

– DM6+B / EM6+F / DM6+A

– DM6+B / EM6+F / EbM6+G

quelques  exemples parmi les multiples enchainements possibles qui mélangent les natures de modes

-CM3+C# / EM6+F / DM4+F#

-DM3+B / CM6+Eb / CM3+A

-CM6+C# / EM4+D / DM3+G

-CM4+Bb / DM3+E / EbM6+G

-etc…

 

couplage des ST M

si on regroupe les ST M ( voir plus haut ), on peut envisager une improvisation modale autour de DM4

 

FM7-FM4

l’approche la plus horizontale sera d’improviser autour de FM7 sans tenir compte de l’agencement des ST, dans cette approche elles sont simplement apparentées à des subsets : cette approche fait écho aux modes complémentaires M7 / la basse assoit une gravité FM4, et on pourrait aussi opter pour y tracer un chemin mélodique modal FM4 en survolant les ST

XP28

en jeu: M7 / MATL-ST / modes hybrides (+ et – )

la matrice de XP28 est FM7, qu’on lira ici comme l’union de +C et +F# / ‘+’ symbolise la rationalisation d’un mode généré par les harmoniques supérieures 8 à 15 d’un note donnée : pas de ¼ de tons ou de divisions du demi-ton par 100 cents, toutes les fréquences naturelles sont ramenées à leur équivalent tempéré le plus proche

les harmoniques supérieures au départ de C :

8ème harmonique : C

9ème harmonique : D

10ème harmonique : E

11ème harmonique : F#

12ème harmonique : G

13ème harmonique : G#

14ème harmonique : A#

15ème harmonique : B

‘-’ symbolise la rationalisation d’un mode généré par les harmoniques inférieures 8 à 15 d’un note donnée: c’est l’inversion rationnelle des harmoniques supérieures

les harmoniques inférieures au départ de C :

8ème harmonique : C

9ème harmonique : Bb

10ème harmonique : Ab

11ème harmonique : F#

12ème harmonique : F

13ème harmonique : E

14ème harmonique : D

15ème harmonique : C#

PARTIE 1

la mélodie de la basse est construite sur 6 notes de FM7 ( B C C# D F F# ), avec une gravité ambiguë autour du B, sur une cellule rythmique mouvante de valeurs courtes et longues (S L = Short Long) :

SL / SSL / SSSL / SSL ( S = 4 doubles croches, L = 5 doubles croches )

sur cette base se dépose un contrepoint composé par Malik Mezzadri

(extraits de la partition originale, le score ne reprend que la voix principale, sans deuxième voix, sans canon )

la voix principale mélodise les ST, elle en reprend toutes les notes, l’harmonie est horizontale. Cette ligne claire est ensuite ponctuée par une deuxième voix discrète qui parfois ‘complète’ la ST ( ex: le Ab pour la deuxième ST MDb, le Bb pour la 5ème ST h1D, etc) / ensuite, reprise de la voix principale, anticipée à la deuxième voix ( deux octaves plus bas ), mais ajustée rythmiquement aux durées, générant un étrange canon et floutant la ligne claire des ST

première distillation: on sélectionne 5 modes entièrement inclus dans FM7 : C#M2, CM4, FM4, CM6 et DM6

deuxième distillation : on sélectionne une série de ST inclus dans ces modes:

12 ST subsets en C#M2: m3D, m3F, m3G#, m3B, h1D, h1F, h1G#, h1B, h3C, h3Eb, h3F#, h3A

8 ST subsets en CM4: MC#, MG, m3Eb, m3A, h2C, h2F#, h3C, h3F#

8 ST subsets en FM4: MC, MF#, m3D, m3G#, h2F, h2B, h3F, h3B

4 ST subsets en CM6: m3Eb, m3A, h3Eb, h3A

4 ST subsets en DM6: m3F, m3B, h3F, h3B

chaque ST apparait une fois dans la structure harmonique

 

12 ST sont uniques à un des 6 modes:

MC / FM4

MC# / CM4

MF# / FM4

MG / CM4

h1D / C#M2

h1F / C#M2

h1G# / C#M2

h1B / C#M2

h2C / CM4

h2F / FM4

h2F# / CM4

h2B / FM4

 

les 12 autres ST sont incluses dans 2 des 6 modes :

m3D / C#M2-FM4

m3Eb / CM4-CM6 :

m3F / C#M2-DM6

m3G# / C#M2-FM4

m3A / CM4-CM6

m3B / C#M2/DM6

h3C / C#M2-CM4

h3Eb / C#M2-CM6

h3F / FM4-DM6

h3F# / C#M2-CM4

h3A / C#M2-CM6

h3B / FM4-DM6

 

celles-ci servent de couleurs-pivôt ( common color modulation, crochetés sur la partition ), notes communes à deux modes

en backing mélodique optionnel, la voix principale souligne les agencements de ST, sur la même cellule rythmique mouvante en valeurs courtes et longues que la basse : SL / SSL / SSSL / SSL (S = 3 temps / L = 4 temps)

la cellule rythmique de la basse fait 13 temps, la structure harmonique fait 80 temps / agencements libres des matières : il n’y a pas de point de rencontre, une fois que la basse est lancée, la grille de ST et la mélodie peuvent être lancées à n’importe quel endroit du cycle de basse, in-out,…

 

plusieurs focus ou sources possibles pour improviser sur ces matières imbriquées:

– autour de la couleur totale FM7

– autour les modes ( première distillation )

– autour des ST ( deuxième distillation )

– une approche hybride modale-ST

la PARTIE 2 voyage ailleurs

-le choral d’accords  principal ( chords 1 ) est construit au départ d’un mode hybride

+G(addC): G A B C C# D Eb F F# ( qu’on pourrait nommer C#M6 add D )

chords 2 et chords 3 sont construits en +C: C D E F# G G# A# B ( qu’on pourrait nommer CM6 add G ) / chords 3 est une version étirée de chords 2 ( même marche harmonique )

+G(addC) U +C = les 12 notes : la partie 2 explore un paysage sériel multi couches

les 3 séries d’accords s’articulent sur le même ostinato de basse, mélodisé B C C# D, en gravité ambiguë autour du B (S = 5 doubles croches/  L = 6 doubles croches) / ostinato = grid rythmique : découpes possibles en 4:5 et 4:6

 open for solos sur chords section 1, et les couleurs complémentaires des chords 2 et 3 peuvent être jouées si présence d’un deuxième clavier / la mélodie, ancrée dans les chords 1, cloture le morceau